Yémen : Pris en étau entre les rebelles Houthis et les sanctions américaines, la population utilise la crypto et la DeFi
Souvent réduit à la spéculation et à la volatilité des prix dans les démocraties libérales, la cryptomonnaie et la finance décentralisée sont plutôt vues comme des bouées de sauvetage ou des issues de secours dans bon nombre de pays du monde touchés par l'insécurité financière, économique et politique.
Administration centrale défaillante, police et justice aux abonnés absents, inclusion financière faible et système bancaire inaccessible, hyperinflation et dévaluation violente de la devise nationale, persécution par le pouvoir en place, sanctions internationales et embargo, autant de raisons qui poussent des hommes et des femmes à se réfugier auprès de Bitcoin et de la crypto pour tenter d’échapper à leur destin peu enviable. Afrique, Asie, Amérique du Sud et même Europe, aucun continent au monde n’est épargné par ces situations dramatiques qui font de ces nouvelles technologies financières une échappatoire pragmatique. Et l’exemple du Yémen est particulièrement frappant.
Au Yémen, les rebelles Houthis et les sanctions internationales rendent la vie impossible…
Déchiré depuis plus de 20 ans par une guerre civile qui se cache derrière des revendications religieuses, le pays et la population souffrent de mille maux. Le groupe armé des Houthis, issu d’une branche chiite de l’islam, fait la guerre au pouvoir central d’obédience sunnite pour le contrôle de la capitale.
Dans leur combat, les rebelles Houthis sont soutenus par le régime des mollahs iraniens et par le Hamas palestinien, avec comme modèle de fonctionnement le Hezbollah libanais. Inutile de vous dire que cette alliance ne plait pas trop à Washington et à ses alliés – et c’est un euphémisme – qui imposent donc des sanctions économiques terribles depuis 2014.
Dernièrement, les Houthis furent au cœur de l’actualité pour des attaques de bateaux de commerce dans le golfe d’Aden en représailles aux opérations israéliennes dans la bande de Gaza et ces actions ont largement déstabilisées le commerce mondial.
Pris en otage par la violence armée et par une situation économique largement dégradée, la population se tourne de plus en plus vers des solutions alternatives pour tenter de survivre et c’est là que Bitcoin, la cryptomonnaie et la finance décentralisée entrent dans l’histoire.

… et la population désespérée se tourne vers Bitcoin et la finance décentralisée (DeFi) pour s’en sortir
Longtemps éloignés de ces nouvelles technologies à cause d’une infrastructure numérique inexistante et par une très faible inclusion financière, les habitants de ces régions « montrent des signes d’intérêt évidents et affichent une utilisation croissante [de la crypto], motivée principalement par la nécessité plutôt que par la spéculation ». Ces mots sont ceux des spécialistes de TRM Labs qui viennent de publier une étude sur la situation particulière de ce pays de 30 millions d’habitants, classé 183ᵉ sur 191 en termes de développement par l’ONU.
Sur place, les plateformes de DeFi concentrent 63% de l’activité crypto du pays contre seulement 18% pour les exchanges centralisés, selon les données collectées par les équipes de TRM Labs. Cela montre bien que la décentralisation offre un espace de liberté inespéré pour les yéménites qui l’utilisent essentiellement pour des transferts de fonds vers et depuis l’étranger et souvent pour de petits montants.
Bien sûr, les groupes armés aussi utilisent ces canaux pour financer leurs activités criminelles comme le confirme l’étude en question, mais l’OFAC et les services américains les traquent sans relâche et intensifient les saisies et les gels d’avoirs financiers liés aux soutiens de l’Iran, dont font partie les Houthis.
Mais le propos ici n’est pas le financement des groupes terroristes. Il s’agit plutôt de souligner le rôle pertinent de Bitcoin, des stablecoins et de certaines cryptomonnaies pour des populations laissées à elles-mêmes face à une administration absente, voire malveillante. À Sanaa comme à Kaboul, Islamabad, Beyrouth, Caracas, Kiev ou encore Lagos, une solution existe. Et c’est notamment pour ça que la Human Rights Foundation (HRF) finance différents projets liés de près ou de loin à Bitcoin. Parce que ça marche et que les gens n’ont pas le choix.