Qu'est ce qu'un memecoin ? Anatomie d'une cryptomonnaie qui a du chien - Partie 1

Il y a des blagues qui finissent par échapper à tout contrôle. Prenez un chien mignon, ajoutez un texte mal orthographié, et vous obtenez un mème. Mais si ce chien, au lieu de simplement faire sourire, se transformait en une cryptomonnaie, un memecoin, valant des milliards de dollars ?

C’est l’histoire improbable des mémecoins, ces cryptomonnaies qui aboient fort et mordent les sceptiques. Au fil des années, ils ont dressé un véritable chenil financier où l’absurde se mélange à la spéculation.

Mais que cache cette niche qui, loin d’être un simple jouet, pourrait bien changer notre perception de la valeur ? Bienvenue dans l’univers des mémecoins, où chaque jeton a un flair particulier.

L’Histoire des memes : de Darwin aux memecoins

Et le meme fut 

Les mèmes, contrairement aux idées reçues, ne sont pas un phénomène récent. D’après certains experts, ils tirent leurs origines des théories de l’évolution. En effet, le concept de mème a été popularisé par Richard Dawkins en 1976 dans Le Gène égoïste. Dawkins décrit les mèmes comme des « unités d’information culturelle » qui se transmettent de cerveau en cerveau, à la manière d’un gène qui se réplique par l’humour et la moquerie.

Il explique :

« Lorsqu’un mème fertile est planté dans mon esprit, vous parasitez littéralement mon cerveau, le transformant en véhicule pour la propagation de ce mème, comme un virus peut parasiter le mécanisme génétique d’une cellule hôte. »

Richard Dawkins – Source 

Mais ce concept d’évolution culturelle est plus ancien encore, trouvant ses racines dans les théories, critiquées et criticables, de Charles Darwin sur la sélection naturelle. Darwin, dans L’Origine des espèces, pose les bases de l’idée que les individus qui réussissent à s’adapter à leur environnement sont ceux qui survivent et transmettent leurs caractéristiques aux générations futures. Si l’on transpose cette théorie au domaine des idées, les mèmes fonctionnent de la même manière : ils survivent dans le temps s’ils captent l’attention, se diffusent facilement et s’adaptent au contexte social.

Les memecoins à contre-culture ? Pas si sure …

Ainsi, dans son article intitulé De Darwin au Mème : Comment un Slogan Devient Viral, Mark Bardsley ajoute t-il une couche marketing à cette théorie en expliquant comment les mèmes deviennent des outils de communication puissants. Il fait un parallèle entre l’évolution des idées et les stratégies marketing modernes :

« Un mème commence par une intention (la cellule) qui s’accroche à une personne (l’individu), qui le propage ensuite à un groupe localisé (le groupe), et qui finit par se répandre à grande échelle (l’espèce). »

Cette diffusion fonctionne grâce à l’adhésivité de l’idée : un slogan comme « Just Do It» de Nike ne touche pas seulement ceux qui courent, il infiltre les esprits et s’y reproduit, « comme le ferait un virus ».

Cette approche montre bien que les mèmes ne sont pas simplement des blagues ; ils sont des véhicules de transmission culturelle moderne capables d’influencer les comportements et de modifier notre rapport aux marques, aux idées et même à la finance. Vous me voyez venir : les mémecoins en sont une parfaite illustration.

Des premiers memes sur internet aux cryptomonnaies 

Avant que Dogecoin ou Pepe the Frog ne viennent dominer l’univers des mèmecoins, Internet avait déjà sa propre ménagerie de créatures virales. Les premiers mèmes ont vu le jour dans les années 90 et 2000, à une époque où les forums et les sites communautaires comme 4chan et Reddit commençaient à émerger. Parmi les pionniers, on peut citer :

• Dancing Baby (1996) : Un des premiers mèmes viraux à circuler sur Internet, aussi connu sous le nom de « Baby Cha-Cha-Cha ». Ce bébé en 3D, dansant sur un fond sonore kitsch, est devenu une icône, partagé d’email en email avant de connaître une renommée mondiale grâce à la série télévisée Ally McBeal. Ames sensibles s’abstenir, vous allez prendre peut-être un coup de vieux.

• Rage Comics (2008) : Ces bandes dessinées minimalistes, aux visages exagérément expressifs (comme le fameux « Trollface »), ont conquis les forums en représentant des situations du quotidien. Ce format a permis à des millions d’internautes de créer et partager leur propre contenu humoristique, jouant un rôle clé dans la démocratisation des mèmes.

• Nyan Cat (2011) : Ce chat volant au corps de Pop-Tart, laissant derrière lui une traînée arc-en-ciel, accompagné d’une mélodie entraînante, est rapidement devenu l’un des symboles les plus emblématiques de l’ère des mèmes. Il incarne à la perfection l’esprit absurde et coloré de l’humour sur Internet. Certains seront surpris par la longueur et l’inutilité de la vidéo mais rappellons nous que les premiers NFT étaient … des chats.

Ces premiers mèmes ont pavé la voie pour les générations suivantes, en établissant un langage visuel et humoristique qui allait devenir universel. Ils ont également montré comment l’humour viral pouvait transcender les frontières géographiques et culturelles, ouvrant la voie à la culture des mèmes telle que nous la connaissons aujourd’hui, et qui définissent surtout ce que sont les memecoins.

Et, justement, revenons-en à nos cryptos…

Dogecoin (DOGE) la blague qui valait des milliards ! 

DOGE, un memecoin historique

Dogecoin est le premier memecoin, le roi de la meute. Il pose les bases de ce qu’est un memecoin. Il a vu le jour en décembre 2013, créé par Billy Markus et Jackson Palmer. Son emblème est un Shiba Inu, une race de chien japonais. Ce Shiba en particulier, qui est devenu l’icône de Dogecoin, s’appelle Kabosu.

Kabosu est une chienne adoptée par la professeure japonaise Atsuko Sato en 2008. Sa popularité découle d’une photo virale publiée en 2010, où elle affiche une expression à la fois perplexe et amusée, la tête légèrement inclinée. Cette image est devenue le fameux mème Doge, souvent accompagné de phrases humoristiques et mal orthographiées comme « such wow », « very crypto », ou « much coin ».

De fil en aiguille, ce qui a commencé comme une simple blague a rapidement pris de l’ampleur. Jackson Palmer, alors employé chez Adobe, a d’abord lancé l’idée du memecoin DOGE sur Twitter comme une parodie de l’engouement pour les cryptomonnaies. L’idée était de créer une crypto légère et amusante, loin du sérieux et de l’élitisme souvent associés aux cryptomonnaies. C’est là que Billy Markus, un développeur chez IBM, entre en scène. Fasciné par l’idée, il se joint à Palmer pour donner vie à Dogecoin. Ensemble, ils créent une cryptomonnaie dont l’objectif n’est pas de révolutionner la finance, mais de rassembler une communauté autour d’un esprit convivial et humoristique.

DOGE, le memecoin d’Elon Musk 

Dogecoin aurait pu rester une simple blague de geeks, mais la communauté active derrière le projet et l’intervention d’Elon Musk en ont décidé autrement. À partir de 2020, le PDG de Tesla commence à tweeter régulièrement à propos de Dogecoin, souvent avec humour et autodérision. Ses tweets, parfois simplement illustrés par des images de Kabosu ou des phrases comme « Dogecoin to the Moon» ( Le DOGE sur la Lune, pour signifier que la valeur du memecoin va augmenter fortement) ont eu un impact direct sur le prix du jeton, provoquant des hausses spectaculaires.

En mai 2021, la capitalisation boursière de Dogecoin atteint les 80 milliards de dollars, faisant de cette cryptomonnaie, née d’un mème, l’une des plus importantes au monde. Cette ascension soulève des questions sur la puissance de la culture Internet et l’influence des figures publiques sur les marchés financiers. Dogecoin montrant ainsi que l’émotion, l’humour et la viralité peuvent parfois l’emporter sur les fondamentaux techniques dans le monde des cryptos

« Des marchandises Tesla peuvent être achetées en Dogecoin. »

Source : @elonmusk sur X

Dogecoin, le memecoin dont tout le monde parle 

Dogecoin a toujours misé sur un esprit communautaire et bon enfant. Contrairement à d’autres cryptomonnaies souvent associées à la spéculation pure ou à la technologie de pointe, Dogecoin a cultivé une image d’accessibilité et de générosité. La communauté, souvent surnommée la « Doge Army », s’est engagée dans diverses initiatives caritatives, comme le financement de l’équipe jamaïcaine de bobsleigh pour les Jeux Olympiques d’hiver ou des collectes pour des œuvres humanitaires.

Dans les détails, le 19 janvier 2014, la communauté Dogecoin a lancé une collecte de fonds pour aider l’équipe jamaïcaine de bobsleigh, qui s’était qualifiée pour les Jeux olympiques d’hiver de Sotchi, mais n’avait pas les moyens de financer son déplacement. En seulement deux jours, 36 000 dollars en Dogecoins ont été collectés, provoquant une hausse de 50 % du taux de change du Dogecoin par rapport au Bitcoin. La communauté a également levé des fonds pour soutenir Shiva Keshavan, le seul athlète indien présent à Sotchi en tant que lugeur.

Mais les memecoins ce n’est pas que ça … certains héritiers de Dogecoin, on construit de véritables écosystèmes … c’est le cas d’une autre cryptomonnaie poilue : SHIB.

Shiba Inu (SHIB) : quand le memecoin trouve son sens

Shiba Inu : Le « dogecoin killer» ou l’aspirant dominant ?

Lancé en août 2020 par un créateur anonyme connu sous le pseudonyme de « Ryoshi », Shiba Inu (SHIB) s’est rapidement autoproclamé « Dogecoin killer », ( littéralement le « tueur du Dogecoin » en français).  Alors que Dogecoin était né pour parodier le sérieux des cryptos, SHIB se présente comme son successeur avec une vision plus ambitieuse et complexe.

Au-delà de son image de simple mémecoin d’un chien trop mignon, Shiba Inu a construit un écosystème complet qui va bien au-delà de l’humour. En effet, SHIB n’est pas seulement un jeton, mais un projet DeFi (finance décentralisée) avec sa propre blockchain de Layer 2, baptisée Shibarium.

Shibarium : Un Layer 2 pour légitimer les memecoins 

Mettons un peu les mains dans le cambouis, et parlons « tech ». Contrairement à Dogecoin, qui repose uniquement sur une blockchain simple sans fonctionnalités complexes, Shiba Inu a développé Shibarium, un réseau de Layer 2 conçu pour améliorer l’efficacité et réduire les coûts des transactions.

Ce développement marque une étape essentielle pour Shiba Inu, qui ne veut pas se contenter d’être une simple blague crypto, mais aspire à devenir un acteur sérieux de l’écosystème DeFi. Shibarium permet de créer des applications décentralisées (dApps), d’intégrer des NFT, et offre une solution de scalabilité à faible coût pour ses utilisateurs.

Avec Shibarium, Shiba Inu trouve son sens et tente de répondre aux limites du réseau Ethereum, sur lequel SHIB est initialement construit. En réduisant les frais de gaz et en accélérant les transactions, ce Layer 2 ouvre la voie à de nouveaux usages pour SHIB, au-delà de la simple spéculation.

Par ailleurs, .ShibaSwap, permet aux détenteurs de SHIB de staker (verrouiller) leurs jetons pour obtenir des récompenses, d’échanger des cryptos, et d’accéder à des pools de liquidité. Cet ensemble de services donne à SHIB une utilité réelle, tout en renforçant l’engagement de sa communauté. En parallèle, Shiba Inu s’est également lancé dans les NFT avec Shiboshis, une collection de tokens non fongibles exclusifs.

Cela donne à Shiba Inu une dimension technologique que Dogecoin n’a jamais atteinte, transformant un projet né d’un mème en un véritable écosystème blockchain.

Le succès de Shiba Inu a entraîné une vague de créations de mémecoins à thème animalier, comme Baby Doge, Floki Inu, et Akita Inu, tous cherchant à capturer une part de la popularité croissante des mèmes canins et animaliers en tout genre … Bref, les memecoins sont devenus un phénomène presque social… mais ça, on le verra dans une seconde partie !