Arnaque OmegaPro : le cerveau derrière le Ponzi crypto interpellé à Istanbul
L'arrestation d’Andreas Szakacs à Istanbul, cerveau de l'arnaque OmegaPro, met sur le devant de la scène un vaste Ponzi international. En Polynésie française, des centaines de victimes, attirées par des promesses de rendements exorbitants, ont perdu leurs économies. On fait le point.
Le 21 août 2024, Andreas Szakacs, alias Emre Avci, a été arrêté à Istanbul pour son rôle central dans l’escroquerie crypto OmegaPro. Ce réseau frauduleux, camouflé sous l’apparence d’une plateforme d’investissement légitime, a réussi à dérober 4 milliards de dollars à des investisseurs répartis sur plusieurs continents.
Parmi les victimes, des centaines de Polynésiens qui, appâtés par des promesses de rendements incroyables, ont perdu toutes leurs économies. Cette arrestation marque une étape importante pour une enquête qui s’étend de l’Europe à l’Asie, en passant par le Fenua. On fait le point.
OmegaPro : un Ponzi déguisé en plateforme d’investissement
OmegaPro a séduit des milliers d’investisseurs en promettant des rendements faramineux, atteignant parfois 300 % en seulement 14 mois. Le modèle était celui d’un schéma Ponzi classique : les fonds des nouveaux investisseurs étaient utilisés pour payer les rendements des plus anciens, créant une illusion de prospérité.
En novembre 2022, la plateforme a brusquement cessé tous les retraits sous prétexte de problèmes techniques, avant de fermer complètement en juillet 2023. Les victimes, dont une partie en Polynésie française, se sont alors retrouvées piégées, réalisant qu’elles avaient été dupées par une organisation bien rodée.
Une fraude crypto qui a frappé la Polynésie française
En Polynésie, OmegaPro a rapidement trouvé un terreau fertile. Des réunions privées organisées par des « leaders » locaux vendaient l’idée d’un enrichissement facile. À l’une de ces réunions, deux rabatteurs, l’un se présentant comme un ex-vigile, l’autre comme un ex-banquier, exhibaient fièrement leur train de vie luxueux pour convaincre les participants de la solidité de leur affaire. Parmi les investisseurs locaux, beaucoup étaient des proches ou des amis des rabatteurs, ce qui rendait l’arnaque encore plus pernicieuse.
Comme nous l’explique Teiki (prénom d’emprunt), une des nombreuses victimes polynésiennes qui témoignait pour Polynésie la Première au mois de mars 2024 :
« C’était d’abord pour aider la personne qui me le vendait et qui avait besoin d’argent. »
En investissant 100 000 CFP, il pensait réaliser une bonne affaire. Voyant initialement son investissement fructifier, il a réinjecté tous les bénéfices. Mais quand il a voulu retirer son argent en fin 2022, il s’est heurté à un mur : tout avait disparu.
Comme lui, plus de 250 Polynésiens ont déposé plainte pour tenter de récupérer des centaines de millions de CFP désormais envolés.
Une enquête internationale complexe qui a mené à l’arrestation d’Andreas Szakacs
L’arrestation d’Andreas Szakacs à Istanbul a été rendue possible grâce à un tip-off ( une source) anonyme, qui a permis à la gendarmerie turque de localiser le suspect dans une villa de luxe à Acarkent. C’était le 28 juin dernier.
Depuis, l’enquête a été renforcée par les témoignages d’investisseurs internationaux, dont Abdul Ghaffar Mohaghegh, représentant 3 000 victimes ayant perdu un total de 103 millions de dollars. En Polynésie, ce sont les témoignages des victimes et d’anciens rabatteurs, qui se disent, eux aussi, floués, qui ont permis de révéler l’ampleur de la fraude locale.
Malgré l’arrestation de Szakacs, Stefan Andreas, son complice présumé, reste en cavale.
L’affaire OmegaPro n’est que la dernière incarnation d’un schéma bien connu dans l’univers des arnaques. Un schéma qui n’a d’ailleurs pas attendu les cryptomonnaies pour exister. Comme l’hydre de Lerne, pour chaque escroquerie abattue, deux nouvelles émergent. OmegaPro rappelle dans ce sens tristement l’escroquerie monumentale de OneCoin en 2017, qui avait, elle aussi, soutiré des milliards à des investisseurs en exploitant leur rêve de profits rapides. Les deux réseaux partagent d’ailleurs des connexions inquiétantes, soulignant que ces organisations frauduleuses n’hésitent pas à réutiliser les mêmes recettes, sous différents noms.
La capture de Szakacs à Istanbul est une victoire, mais elle ne signe pas la fin de cette histoire. Tant que des investisseurs continueront de croire aux promesses de rendements irréalistes, ces arnaques se réinventeront, changeant de visage, mais conservant la même mécanique perverse. OmegaPro est un nouvel exemple que la vigilance est de mise et que l’appât du gain facile reste un piège dans lequel il ne faut pas tomber.